Compte rendu résumé du travail de Mme Léa Corbet, Master’s student in Biology-Ecole Normale Supérieure de Lyon
Léa Corbet a obtenu une bourse de la section du Rhône et de la Métropole de Lyon de l’AMOPA afin de mener à bien une étude scientifique en Nouvelle Calédonie. Elle a présenté brillamment ses travaux lors de l’Assemblée générale de la section, le 1er avril 2025.
Grâce à l’obtention d’une bourse de l’AMOPA d’une valeur de 1000€ j’ai pu me rendre à l’Institut Pasteur de Nouméa en Nouvelle-Calédonie pour évaluer le potentiel anti-inflammatoire de 10 microalgues du lagon néo-calédonien encadrée par Malia Lasalo au sein de l’équipe Bioactivités des substances naturelles et dérivés (BIONA) dirigée par le Dr. Matsui.
Ce projet répond à l’émergence des maladies inflammatoires à médiation immunitaires (psoriasis, maladies inflammatoires de l’intestin, diabète de type 2) comme un enjeu de santé majeur. En effet, bien que la prévalence de ces pathologies se stabilise dans les sociétés occidentales, elle ne cesse d’augmenter dans des pays récemment industrialisés qui ont adopté un mode de vie dit occidental. Ces maladies sont caractérisées par un état inflammatoire élevé induisant divers symptômes et altérations des tissus dû au relargage trop élevé et incontrôlé de diverses molécules pro inflammatoires appelées cytokines. Pour le moment, les médicaments communément utilisés comme les anticorps monoclonaux ou encore les glucocorticoïdes sont responsables de divers effets secondaires et les patients peuvent développer des résistances aux traitements. La recherche de nouvelles molécules anti-inflammatoires se poursuit donc. Les microorganismes marins présentent une source importante de molécules naturelles avec des propriétés biologiques. Parmi les producteurs de ces métabolites, les microalgues, prélevées en Nouvelle-Calédonie, un point chaud de biodiversité, sont étudiées avec un enthousiasme croissant en raison de potentielles propriétés immunomodulatrices. Notre objectif était de découvrir parmi une banque de 10 microalgues lesquelles peuvent moduler l’inflammation. Nous avons utilisé une lignée cellulaire de macrophage, des cellules immunitaires recrutées sur le site de l’inflammation et capable de sécréter différentes molécules pros inflammatoires. Les cellules ont été soumises à un traitement induisant une inflammation et ont en même temps été traitées ou non avec les extraits éthanoliques de microalgues ou un composé anti-inflammatoire de référence : le dexaméthasone. Puis, nous avons mesuré la quantité de molécules pro inflammatoires sécrétée à la suite de chacun des traitements. Précédemment à mon arrivée, une analyse chimique des microalgues a été menée afin de spéculer sur le possible lien entre les propriétés biologiques observées et la composition chimique analysée.
Après avoir vérifié que les traitements appliqués aux cellules ne sont pas toxiques pour elles, nous avons pu évaluer le potentiel anti-inflammatoire de chacun des 10 extraits éthanoliques de microalgues. Ce potentiel a été déterminé par la capacité des extraits à inhiber le relargage de deux molécules pro-inflammatoires responsables des pathologies : le Tumor Necrosis Factor (TNF)-α et l’Interleukine 6 (IL-6). La sécrétion de TNF-α a été significativement réduite après le traitement avec chacun des extraits éthanoliques, la sécrétion d’IL-6 à elle été réduite après un traitement avec les extraits M2, M4, M8, M9 et M10. Les microalgues sont capables de réduire la sécrétion de molécules pro-inflammatoires par les cellules immunitaires prouvant ainsi leur capacité à mitiger l’inflammation.
Pour mieux caractériser les microalgues qui présentent une activité biologique intéressante, l’analyse pigmentaire et lipidique a été réalisée. Les microalgues bioactives identifiées grâce à la première expérience ont montré un enrichissement en β-carotène, et en acide gras insaturés. Des molécules qui ont déjà été décrites pour avoir des propriétés anti oxydante (le processus d’oxydation est impliqué dans l’inflammation) et anti-inflammatoire.
Pour conclure, ces résultats démontrent l’existence de propriétés anti-inflammatoires chez différentes microalgues. Cependant, dans l’optique de développer de nouvelles molécules thérapeutiques, il est désormais indispensable de regarder l’effet de ces extraits sur des voies de signalisation cellulaires impliquées dans l’inflammation.
Pour terminer, quelques mots sur mon expérience et mon ressenti vis-à-vis de ce voyage. Au cours de ce séjour, j’ai pu rencontrer des personnes formidables, que ce soit au laboratoire ou dans ma vie privée. Ces rencontres ont été la source de nombreux échanges, partages et découvertes qui m’ont beaucoup enrichi. Amoureuse de la nature, j’ai été subjuguée par chaque recoin de la Nouvelle-Calédonie, la diversité de paysage que cet archipel offre est grandiose que ce soit sur terre ou en mer la nature est reine et la biodiversité est foisonnante. J’ai eu l’immense joie de découvrir un peu plus l’île chaque week-end en randonnant ou en palmant pour observer les écosystèmes marins avec mon masque et mon tuba. La Nouvelle-Calédonie possède un des rares récifs coralliens encore largement préservé des phénomènes de blanchissement et cela nous rappelle à quel point il est primordial de réguler nos activités pour préserver cette biodiversité sur le temps long. Ce voyage a aussi été l’occasion de découvrir une nouvelle culture et le peuple kanak toujours prêt à aider et à faire découvrir son patrimoine. Mon séjour a été sans aucun doute une expérience riche en émotion puisque le lundi 13 mai ont débuté de nombreuses protestations à Nouméa et sur l’île en général, cette situation instable m’a rappelé à quel point les relations sont fragiles dans cette île avec une histoire si forte. J’ose espérer que la situation s’apaisera et que chacun pourra trouver sa juste place dans un lieu si riche d’histoire, de patrimoine et de culture.