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Conférence : Claude Martin
27/11/17
Claude MARTIN et les écoles « LA MARTINIERE »
Conférence de Jacques GARDEN, président de la « Fondation Claude Martin ».
Il est impossible de résumer la conférence de M. Garden, tant elle est riche historiquement. Aussi choisissons-nous de présenter le Major Martin selon trois rubriques : Le personnage, sa fortune, son legs.
1 - Le personnage
Le Major, véritable aventurier, est un homme dont l’activité est très éclectique et très intense jusqu’à son dernier souffle.
Né à Lyon en 1735 dans une famille de classe moyenne (père vinaigrier et fabricant de tonneaux). À l’école, il se montre très doué pour les mathématiques et la physique. En 1751, il est embauché dans une usine de soierie. Mais, en raison de la crise, il s’engage dans la fascinante Compagnie des Indes, comme simple soldat.
En 1752, il débarque à Pondichéry, ville acquise par la France, port commercial actif. Sur le plan militaire cependant le général Dupleix, gouverneur de la Compagnie Française des Indes, est mis en difficulté par Sir Eyre Coote qui dirige la Compagnie Anglaise rivale. C’est le déclin de l’hégémonie française. En 1760, Claude Martin rallie les forces anglaises. Remarqué par sa vivacité d’esprit, son intelligence, sa perspicacité a-t-il subi des pressions ? Déserteur ou prisonnier ? Les historiens s’interrogent…
En raison de ses connaissances mathématiques, il œuvre, avec succès, comme arpenteur, dans une région où les diverses provinces se disputent les frontières. En 1772, le Cooch Behar entre en conflit avec le Bouthan voisin. Le prince de cet Etat supplie la Compagnie Anglaise des Indes de lui venir en aide, en échange de la promesse de reverser la moitié de ses revenus ! Belle aubaine !...
Claude Martin abandonne ses fonctions de géomètre pour se porter volontaire et venir en appui dans une Compagnie de soldats indiens. Sa bravoure et sa loyauté lui permettent de relancer sa carrière militaire dans l’armée britannique : enseigne en 1763, lieutenant en 1764, capitaine en 1766, major général en 1799).
2 – Sa fortune
Comme le font ses pairs et comme c’est l’usage, lors des batailles, Claude Martin n’hésite pas à piller les biens des temples. Au XVIIIe siècle, les trésors culturels d’un pays sont considérés comme butin naturel. C’est le début d’une immense fortune qu’il consolide notamment en devenant associé de la puissante filature de soierie James Wiss.
S’ajoutent les profits tirés par les ventes d’armes de la Compagnie aux divers princes. Claude Martin est en effet directeur de l’Arsenal ! Habile négociant, il achète des produits de France et d’Angleterre qu’il vend de 100 % à 500 % plus cher ! Commerce des plus variés : mobilier, glaces, ustensiles ménagers, œuvres d’art, télescopes, médailles (qu’il frappe lui-même), flasques de verre ciselées pour l’Attar (parfum qu’il fabrique aussi en distillant les roses de sa production !), vieilles pièces de monnaie chinoises, machines à tailler les diamants, lingots de plomb, tables de billard, tissus, pinceaux, crayons, montres, cathéters, guitares, …
Sa bibliothèque de 5 000 volumes révèle un large éclectisme : littérature, médecine, histoire, architecture, musique, astronomie, mécanique, politique, récits de voyages, cartes, étymologie, anthropologie, agriculture, mathématiques, physique, navigation, franc-maçonnerie, anatomie, œuvres de Molière, Voltaire, Shakespeare, Homère, Virgile…
On n’en finit pas d’établir l’inventaire de toutes ses sources de revenus (plantations d’indigotiers et de roses, commissions diverses, loyers de maisons et terrains acquis, intérêts de prêts à 12 % ...) mais aussi de ses largesses … À Calcutta, il se montre très généreux avec le gouverneur général (son supérieur !). il participe à des soirées caritatives organisées par les Francs-Maçons en vue de financer des orphelinats …
3 – Son legs
En 1799, Claude Martin présente son projet de testament à 25 amis. Sa fortune s’élève à 4 millions de roupies, équivalent en 1800 à un demi-million de livres sterlings. Il la doit à son opportunisme, son travail acharné, sa persévérance, ses prises de risques toujours calculées, ses prévisions visionnaires, son aptitude à optimiser toute entreprise rentable, ses talents de négociants, sa capacité à développer un réseau et, bien sûr, à une chance exceptionnelle.
Son testament de 83 pages est achevé le 1er janvier 1800. Il meurt le 13 septembre de la même année. Dans son legs, il n’oublie personne : famille, amis, maîtresses (il en a 7), serviteurs, mais aussi indigents.
L’utilisation posthume de son patrimoine va permettre, selon ses vœux, d’ouvrir des Ecoles en Inde et à Lyon, toutes ayant la dénomination prestigieuse La MARTINIERE !
- 2 écoles à Calcutta (1 pour filles et 1 pour garçons),
- 2 écoles à Lyon (1 pour filles et 1 pour garçons),
- 2 écoles à Lucknow (1 pour filles et 1 pour garçons)
À Lyon, l’ouverture provisoire se fait en 1826, à la date du premier versement du legs, au Palais Saint-Pierre, sur un projet de Charles-Henri Tabareau, polytechnicien.
Par la suite seront créées trois autres ENP « La MARTINIERE ».
« La MARTINIERE filles » en 1879 (école professionnelle ménagère). Cet établissement bénéficie d’un legs de Madame de Cuzieu équivalent à la moitié de sa fortune (2,650 millions de francs en 1895). Elle sera ENP en 1937, puis lycée technique d’Etat en 1959.
En 1979, trois lycées « La MARTINIERE » sont ouverts en remplacement de « La MARTINIERE » originelle filles et garçons :
- La MARTINIERE-Terreaux (devenue La Martinière-Diderot en 2006), lycée des Arts appliqués et de chimie (1600 élèves),
- La MARTINIERE-Duchère, lycée des formations tertiaires et bio-médico-social (2 300 élèves),
- La MARTINIERE-Monplaisir, lycée scientifique et industriel (1 800 élèves et étudiants).
Il convient de faire état également de prolongements dans le cadre de la doctrine du « Saint-Simonisme » (rêve d’un âge industriel, sorte de « nouveau christianisme », voulant lutter contre l’égoïsme et l’individualisme …).
S’est ainsi créée une école La MARTINIERE « supérieure » à l’origine de l’Ecole Centrale Lyonnaise. On peut citer également, dans la même veine, la Société d’Enseignement Professionnel du Rhône (SEPR) et La MARTINIERE du soir, cours assurés en partie par les professeurs de La MARTINIERE.
Il existe une « Fondation Claude MARTIN » (1832) et une « Société des Anciens Martins » (1869). Rôle actuel : gestion des biens immobiliers et mobiliers, placements, communications, bourses, bulletins. Des relations subsistent avec les « La MARTINIERE » de l’Inde.
Mention particulière doit être faite de la pédagogie du premier directeur Charles-Henry Tabareau qui a notamment légué à la postérité, et dans toutes nos écoles, le fameux « procédé La MARTINIERE », dont le célèbre levé d’ardoises permet, tout en stimulant les élèves, d’assurer un contrôle continu et un repérage des difficultés à surmonter. Un bas-relief le représente place Gabriel Rambaud (Lyon 1er).
Pour ceux qui voudraient imiter le Major Claude MARTIN, rappelons que sa devise est simple « LABORE ET CONSTANTIA ».
André DEMEURE
Photos : Internet