Sortie automnale
08/10/19

Les conditions étaient favorables pour réussir notre sortie : temps idéal, car confortable, chauffeur prévenant et groupe motivé.

Le village de Saint-Antoine et son abbaye

Situé en bordure de la forêt de Chambaran, à la limite de la Drôme, le village de Saint-Antoine fait partie des joyaux du patrimoine Rhône-Alpin. Inscrit aux monuments historiques depuis 1840, le site a conservé de riches témoignages du passé.  C’est le seul village de l’Isère labellisé « Plus beaux villages de France ».

Notre guide nous attend au pied du car et nous fait traverser le village et ses siècles d’histoire. Aux côtés de l’imposante abbaye se côtoient, dans le faubourg, les simples maisons à colombage en torchis ou en galets à pans de bois de châtaignier où vivaient, au bord du Lioran, les tanneurs et les vignerons.

Trois artères parallèles, les corsières, traversées par des goulets (rues étroites parfois couvertes) permettaient de faire la jonction entre le Bourg Bas, véritable cœur économique avec le four banal, la halle, les tavernes, les échoppes et le Bourg Haut où vivaient les notaires, les notables, les seigneurs. Les maisons sont alors des demeures élégantes, aux façades percées de fenêtres à meneaux et décorées plus tard de génoises. Au XVIIIe siècle s’installent de puissantes manufactures de soie qui exigent de grands bâtiments. Beaucoup de constructions sont en tuf, pierre locale née de sources pétrifiantes.

Après une ascension lente et progressive, nous arrivons au pied d’un grand escalier menant à l’abbatiale. Cette entrée émouvante était réservée aux pèlerins. Nous sommes impressionnés par cette église, témoin d’une histoire extraordinaire qui a commencé au XIe siècle, au moment d’une grande fièvre religieuse et bâtisseuse. Le pays s’est recouvert d’un blanc manteau d’églises en pierre, d’églises sanctuaires où l’on vénérait des saints et des reliques. Ici, ce sont celles de Saint Antoine l’Egyptien rapportées en 1070 par le seigneur local Geilin. C’était un saint populaire anachorète qui soignait les maladies. Le premier monastère construit est confié aux Bénédictins. L’édification de l’abbatiale commence au XIIIe siècle et se poursuit jusqu’au XVe car les reliques attirent une foule de malades et de pauvres gens. En 1217, la confrérie des Frères de l’Aumône, qui soigne les personnes atteintes du mal des Ardents et des épidémies de l’époque, devient l’ordre de Saint-Antoine. Les Antonins fondent des hospices dans toute l’Europe. Dans cette abbatiale viendront s’agenouiller devant les reliques de Saint- Antoine des empereurs, des papes et des rois de France.

Une terrasse artificielle soutient l’édifice. C’est une abbatiale horizontale de style gothique flamboyant. L’ensemble est saisissant. Le portail central est décoré de statuettes sans tête rappelant les guerres de religion, ici le passage des troupes du Baron des Adrets. L’intérieur est gigantesque : 62 m de long, 36 m de large et surtout une belle lumière grâce à des verrières à quadruple meneaux (au lieu de rosaces). La nef possède 7 travées et une multitude de chapelles dont certaines ont conservé des fresques des XVe et XVIe siècles. Quatre-vingt-dix-sept stalles meublent le chœur ainsi que dix tapisseries d’Aubusson. Partout les armoiries des Antonins reconnaissables par un T (ou TAU) sont peintes sur les murs. Le maître Autel, conçu comme un mausolée de marbre abrite la chasse de Saint6Antoine couverte d’argent repoussé (XVIIe siècle)

Dans la salle du Trésor, un Christ sculpté dans de l’ivoire du XVIe siècle, célèbre par son expression d’agonie. On y trouve aussi des instruments de chirurgie et un chapier en chêne de Hongrie.

Le repas sur place au « Restaurant de l’Abbaye » est raffiné et bio, les mets sont joliment présentés. Nous redescendons vers le car en admirant encore le village, la vue et en découvrant la porte d’entrée en tuiles vernissées réservée aux personnalités de l’époque. Nous quittons ce lieu à regret.

Le Palais Idéal du facteur Cheval

Par une route départementale bucolique, la campagne vallonnée et ses prés verdoyants offrent un beau spectacle. Nous arrivons à Hauterives pour visiter le Palais du facteur Cheval. Sur un quadrilatère d’environ 300 m2 s’élève une construction d’une dizaine de mètres de haut hérissée d’étranges ornements : voici le Palais Idéal, œuvre naïve et étonnante. La vie du facteur Cheval est à la fois tragique et incroyable. Cet homme est hanté par des rêves de palais. Il lit beaucoup les magazines de l’époque : « les Veillées des chaumières », « la Grande Illustration ».

Un jour, en 1879, à 43 ans, après avoir trébuché sur sa « pierre d’achoppement », il décide d’entreprendre sa construction. Il va y consacrer trente-trois années de sa vie pour modeler ce monument d’obstination inspiré par la nature et ses lectures. En 1912, après l’achèvement de son œuvre, il lance un défi au monde : « 1879-1912, 10 000 journées, 93 000 heures, 33 ans d’épreuves, plus opiniâtre que moi se mette à l’œuvre ». Son œuvre sera classée en 1969 par l’écrivain et ministre André Malraux qui dira : « Il serait enfantin de ne pas classer la seule architecture naïve du monde quand c’est nous qui avons la chance de la posséder ».

La façade Est du palais se présente à nous avec ses trois géants qui ressemblent à ceux de l’Ile de Pâques. Ce sont César, Archimède et Vercingétorix. Un clin d’œil à l’histoire et à la science.

 

Sur la façade Ouest, le facteur Cheval fait cohabiter les cultures : un temple hindou, un chalet suisse, la Maison Blanche, un château-fort. Le monde entier avec ses monuments s’offre à nous. Le Sud est consacré aux pierres qui lui tiennent à cœur. Le Nord voit l’achèvement de son art avec des sculptures d’animaux de figures étranges et l’évocation du paradis de la vie et de la mort.

Il faut accéder à la terrasse par un escalier sculpté pour découvrir dans la galerie des inscriptions écrites d’une belle main qui rappellent ses idéaux. Le Belvédère, que le facteur avait construit pour admirer son œuvre, permet de découvrir un spectacle particulièrement beau au soleil couchant et c’est avec plaisir que nous jetons un dernier coup d’œil sur ce monument insolite.

Le village se moquait de cet architecte de l’inutile. Son vœu de faire de son palais son tombeau ne sera pas exaucé ; il repose dans un monument qu’il a construit lui-même au cimetière du village, de 1914 à 1922, dans le style de son palais : le tombeau du silence et du repos sans fin. Il meurt en 1924.

 

Michèle Antignac
Photos Michel Gurgo et Jean-Marie Pallier

 

          

  • St Antoine l'abbaye : la maison du tourisme

    St Antoine l'abbaye : la maison du tourisme

  • Corsière et goulet

    Corsière et goulet

  • La place et la halle

    La place et la halle

  • La fontaine pétrifiée

    La fontaine pétrifiée

  • Le grand mur de soutènement devant le parvis de l'église

    Le grand mur de soutènement devant le parvis de l'église

  • Le portail central de la façade occidentale

    Le portail central de la façade occidentale

  • Peinture murale de la passion

    Peinture murale de la passion

  • Saint Christophe et l'enfant Jésus

    Saint Christophe et l'enfant Jésus

  • Croix de Saint-Antoine, le Tau symbole de l'ordre hospitalier de Saint-Antoine

    Croix de Saint-Antoine, le Tau symbole de l'ordre hospitalier de Saint-Antoine

  • Une des tapisseries d'Aubusson du chœur

    Une des tapisseries d'Aubusson du chœur

  • Le groupe d'amopaliens devant le palais du Facteur Cheval

    Le groupe d'amopaliens devant le palais du Facteur Cheval

  • Palais du Facteur Cheval : détail

    Palais du Facteur Cheval : détail

  • Palais du Facteur Cheval

    Palais du Facteur Cheval

  • Palais du Facteur Cheval

    Palais du Facteur Cheval

  • Palais du Facteur Cheval : détail

    Palais du Facteur Cheval : détail

  • Palais du Facteur Cheval : détail

    Palais du Facteur Cheval : détail

  • Tombeau du Facteur Cheval

    Tombeau du Facteur Cheval